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  • : Didier Philippoteaux Bambi en dezopilant
  • : le blog de l'accrocheur dezopilant, son actualité puis tout ce qui va avec: votre plaisir.
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actualités 2011 deZopilante

 
  en attendant allez voir là
c'est là que sera lancé Néolingus le n°11 de deZopilant.

*

* Août 2012 -  poésie électronique -  Michel Bertier et D' , au festival de Pisy - Bourgogne.

* Juin 2012 - les Manimaux grands formats à la maison des association de Tinqueux.

* Mercredi 25 Avril 2012 - Manimaux au Sève festival.

Les Manimaux - samedi 17 mars - 18h médiathèque Jean Falala Reims.

* 31 Mars - 1 avril sortie du dezopilant n°11 néolingus!

* mercredi 8 février 2012, poésie électronique à Culture en fête, Tinqueux

*

21 et 22 janvier 2012 - contes et cordes à Lyon.

 

 

* 8 décembre 2012 quelques manimaux cuisinés au lieu de l'atelier Recto verso-Reims

 * Jeudi 1er décembre 2011 - dezopilant fait patte d'ours de sa poésie en la maison de la poésie de Tinqueux, dans le cadre du festival MAIPO

 

*Jeudi 27 et Vendredi 28 et octobre, Contes et cordes deux soirées de poésie à Saint Jean Baptiste de La Salle: ballades en contre jour, les manimaux, le chant des radiateurs. 

*Jeudi 6 octobre, 19 heures, la Mink à la route du vin, 76 rue Chanzy, Reims

*Vendredi 30 septembre, soirée du deZopilant n°10, Migal'Z à l'atelier de gravure recto verso Reims.

  *Lundi 5 septembre lancement à Lyon au le bistro polar les vegeances tardives Lyon.

  *Samedi 37 août 2012 La Mink chez Loïc à Merval.

vendredi 26 août restition de résidence Mink à l'apéro deZopilant.

jeudi 25 et vendredi 26 résidence de création de la Mink à l'Atelier, Epernau

* Vendredi 24 juin, soirée deZopilant autour du numéro 9 de dezopilant franco-slo en collaboration avec l’atelier de gravure rémois recto-verso. http://en-passant.over-blog.com/album-1719505.html  

* Dimanche 19 juin lancement du dezopilant n° 9 franco-Slovène collaboration avec  la maison de la poésie de Tinqueux, et un collectif de poètes slovènes, et l'atelier Recto-verso Reims.

* Mardi 14 juin, M'sieurDam   et Flutch' présentent une scène slam ouverte au bar le Quai n°1 - parvis de la gare de Reims.

*Jeudi 9 juin Flutch' performe pour poésie is not dead :http://revoesie.free.fr/ Paris.

  *Vendredi 3 juin, Slange-S, poésie électronique aux Nocturnes au musée, Musée des Beaux arts de Lyon. http://www.mba-lyon.fr/mba/sections/fr/activite-culturelle/actus/contenu_cache/soiree-art-moderne/?&view_zoom=1

*Jeudi 2 juin, 20 heures Michel Bertier et Flutch' jouent la Mink au bistro librairie polar Les Vengeances Tardives - Lyon- http://www.les-vengeances-tardives.fr/blog/jeudi-2-juin-thriller-poetique/la-mink-thriller-poetique

 *Mercredi 25 mai, les Manimaux au Sève'stival - Reims. www.sevestival.tk

*Samedi 21 mai - 18h - bar le Stalingrad -Reims - la Mink par Ben et Flutch' au café philo de Didier Martz.

* Vendredi 6 mai, lancement dezopilant num 8, spécial Saint Michel - Sève et rameau  

*Samedi 9 avril, au comptoir des rêves -Reims, festival Il pleut des cordes: présentation du projet poétik deZopilant et lectures des poètes du num 7 / performance des Manimaux. .

*Vendredi 1er avril, en soirée, les Manimaux pour le sidaction à Avaux.

*Jeudi 31 mars, 19 heures, Flutch' performe Magma au SUAC avec Slam tribu- Villa Douce - Reims.

*Mercredi 30 mars, diffusion infiltrée du deZopilant -la feuille de poésie qui dezopile -n°7 néolingue lors *de la remise des prix du jeu concours sur dis moi dix mots en la mairie de Reims. 

*Mercredi 23 mars, diffusion à la criée du deZopilant -la feuille de poésie qui dezopile -n°7 néolingue lors des nuits du slam à Reims.

*Jeudi 21 mars, sortie du dezopilant n°7, néolingue.  

*Samedi 19 mars festival inter celtique, Conte celte par Brice et Flutch.

*Samedi 19 février Conte celte par Brice et Flutch au comptoir des rêves

*Jeudi 16 décembre - Slange-S poésie électronique à Reims Slam d'Europe .

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27 décembre 2012 4 27 /12 /décembre /2012 18:49

Voilà, ils sont désormais deux à rentrer dans le Carneto. V, le rouge, alias il vinch', et désormais le Maréchal et sa Chronique Doum Doum. Le principe du Carnetto est simple: être un lecteur acharné et régulièrement donner en version courte ses impressions et surtout fragments de lecture. Vous voulez rejoindre le Carnetto, contactez nous didier@dezopilant.fr

 


 

*
invitation à lire,
Roger Vercel, Capitaine Conan

 


Un petit homme terrible


Il est courtaud, rosâtre, velu, débordant d’énergie, gonflé à la mélinite, des shrapnells à la place des yeux. C’est un héros, mais l’on n’en veut plus. Dame, les corps francs, quelle horreur ! Et puis la guerre est finie. On ne veut plus parler des tripatouillages nocturnes, des égorgements avisés, des orgasmes assassins. Ce sang, ces viscères étalés,  non plus jamais, c’est décrété. La guerre est finie à l’Ouest. Eh bien, il reste quelques agités à l’Est…Nettoyage des nettoyeurs. Allez ouste, aux poubelles de L’histoire !
C’est un roman cru, incorrect, mais terriblement émouvant. Non pas cette émotion indignée d’un Genevoix, dont les sanglots pudiques nimbent d’une aura désespérée cette longue scansion des compagnons et amis disparus dans Ceux de Quatorze. Non. Vercel nous distille une émotion acérée, comme les montagnes aux sommets cruels qui déchirent le ciel poisseux des Balkans. Conan et les autres ont cheminé parmi leurs ravines, immenses tranchées sans fin. Cheminons avec le Capitaine.
On songerait à L’Ermitage de Friedrich : mélèzes décharnés et demoiselles coiffées, tous penchant dans de curieuses politesses alors que se dilue au loin une clarté sinistre.
La guerre était finie et pourtant ils devaient gravir les montagnes. Curieux début. La guerre est finie et pourtant l’on couche toujours  dans des cagnas, et l’eau vous coule toujours dessus, comme un cauchemar.
Mais les montagnes sont franchies : à nous deux Bucarest !
Conan s’y ennuie, tandis que les autres se consument dans le petit enfer administratif.
Grands roseaux aux yeux noirs, les filles roumaines sont farouches, mais au détour d’une venelle elles deviennent accortes, empressées, ardentes. Et pourtant, la poisse des tranchées colle toujours :
« Lorsqu’elles emmenaient un client, elles le conduisaient dans des chambres meublées de divans, capitonnées de tapis éclatants. Mais, lorsque, le travail mécanique achevé, elles rentraient chez elles, c’était dans ces chambres-cavernes, qu’on eût dit creusées dans des falaises de craie, parce qu’elles étaient glacées et nues comme nos sapes de Champagne. »
Dans cette petite mort lente programmée par l’Etat-Major, Conan n’y est plus. Il fait les quatre cents coups, chevauchant, culbutant à tout hasard un jaloux ou un propriétaire peu prompt à céder son logis. Toujours à l’affût, comme sous ces nuits d’orient sans lune, mais avec des étoiles. Comme cette nuit où ses hommes devinrent des salauds, non qu’ils eussent raté leur coup, mais parce qu’il n’y avait pas eu un seul survivant.
« Salauds ! Ils ont tout bousillé, tout […] Deux, je ne leur en demandais que deux ! »
Discours parabellum et zèle des brutes.
Le zèle de l’armée qui compte et traque les lâches : pas de prescription pour ceux-là. Elle tombe à bras raccourcis sur l’un de ceux-là, un certain Erlane, faible de constitution, couvé par sa mère qui a ourdi mille plans pour le faire réformer, ou l’éloigner de l’Ogresse. Il se retrouve aux Balkans et déserte au hasard d’une mission. Puis les Bulgares le couvent dans leurs geôles sinistres. Il aurait parlé.

De retour, Il jure et pleure, il est fragile de constitution. Jamais, non jamais…
 Las, de Scève, son ancien supérieur, achève le mollusque : c’est un traitre ! Des hommes sont morts à cause de lui. Le procureur a dit.
Norbert, ami de Conan est chargé de le défendre. Défendre un froussard, quelle aubaine ! La messe est dite…pourtant est-il vraiment un froussard ? S’il l’est, ce n’est pas un traitre. Chose extraordinaire il s’enquiert auprès de Conan, expert es pétoche.
Il s’y entend. Il reconnaît les types qui ont la pétasse, la vraie, il sait qu’ils ne sont plus responsables. Même les « piqures fortifiantes de baïonnettes dans le gras de fesses »n’y peuvent rien. Autant les renvoyer à leurs nourrices…
Mais Norbert objecte qu’il s’agit là d’un traitre.
Conan l’ausculte, le malmène, lui fout la frousse et le fait palpiter au rythme du parabellum-stéthoscope. L’autre convulse, hideux, rictus qui taillade son visage. Conan conclue qu’il a la vraie frousse et que cela peut arranger se affaires. Qui ne s’arrangent pas. Il est condamné au peloton malgré une scrupuleuse enquête de Conan qui est retourné sur les lieux, au Boyau des Rats. C’est un prétexte pour Conan d’y retrouver sa maitresse : la guerre. Il y retrouve ses instincts de silence dans cet univers à jamais fixé par la mort. Conan y hume encore la poudre, Conan y contemple encore les explosions argentées des grenades incendiaires, Conan y entend encore le grondement familier du Zeppelin en partance pour sa sinistre besogne. S’enfoncer dans les sapes granitiques pour y retrouver le passé. Ça s’appelle la nostalgie, pêché par les temps qui courent…
Encore, une dernière fois, je vous jure…
Encore une fois, ce plaisir des nuits de coups de main, à plat ventre.
Tu étais là, couché, le sifflet entre les dents. Tu savais que tu les possédais d’avance…tu jouissais tiens !...Et pis tu te décidais ! Ton coup de sifflet, ça dressait d’un coup cinquante types qui tombaient dans la tranchée comme le tonnerre de Dieu !...Tu ne peux pas te figurer les têtes que t’y voyais, dans la tranchée, des gueules de types qui ne croient pas au diable et qui le voient !
Puis le soufflé retombe : Conan n’est que mercier dans le civil. Les dimanches de foire il y avait même du monde.
Derniers excès, Conan culbute un récalcitrant, et fulmine. La guerre ne peut pas finir, pas comme cela. Et puis la guerre n’a pas été gagnée au canon, non,  mais par le couteau. Les galonnés qui veulent le mettre au placard n’ont rien compris. La guerre a été gagnée par quelques types qui ont logé la peur dans le crâne de dix mille autres.
Cachez-moi ce sang que je ne saurais voir. La pusillanimité mènera à la haine.
« Cachez ça ! Ce n’est pas une arme française, la belle épée nickelée de nos pères !...Et puis cachez vos mains avec, vos sales mains qui ont barboté dans le sang, alors que nous on avait des gants pour pointer nos télémètres !...Et pendant que vous y êtes, cachez-vous aussi, avec vos gueules et vos souvenirs d’assassins ! »
Une dernière fois. Conan et ses séides, les réprouvés, une dernière fois des crânes qui éclatent, des grenades qui dispersent. Le petit froussard meurt en héros, l’administration a été vaincue. Car à l’est se lève une aube rouge, tandis que les bruns affutent déjà leurs couteaux. La guerre est assoupie, un œil toujours ouvert.

Epilogue
Ce n’est plus qu’un petit bonhomme flétri, hydropique ; il n’y a plus de héros. Alors mieux vaut crever d’une cirrhose, juste une lente décomposition de la volonté et des chairs. Les salauds !
A ceux qui croient à la guerre ; à ceux qui n’y croient plus.

 

 

invitation à lire,
Roger Vercel, Capitaine Conan
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19 novembre 2012 1 19 /11 /novembre /2012 23:02

Voilà, ils sont désormais deux à rentrer dans le Carneto. V, le rouge, alias il vinch', et désormais le Maréchal et sa Chronique Doum Doum. Le principe du Carnetto est simple: être un lecteur acharné et régulièrement donner en version courte ses impressions et surtout fragments de lecture. Vous voulez rejoindre le Carnetto, contactez nous didier@dezopilant.fr

  

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La littérature à l’os

 

Il existe deux catégories d’écrivains : ceux à qui l’on conseillerait une impérieuse nécessité de ne pas écrire et ceux dont on conseillerait l’impérieuse nécessité de les lire.

Même si cela sent l’exorde comminatoire, Conrad et Melville appartiennent bel et bien à la seconde. Parce que l’on ne s’en remet pas. Parce que tout est dit. Parce qu’ils embrassent le Tout de la condition humaine.

Cet impérieux génie on le trouve Au cœur des ténèbres et dans Moby Dick.

«  La Tamise s’ouvrait devant nous vers la mer  comme au commencement d’un chemin d’eau sans fin ». Déjà le sol se dérobe. Ici gît la lumière. La ligne d’ombre dessine des commencements aux jours finissants. Nous pensons à Monet magnifiant ces brumes : tons rouille, linceuls de lumière. Quand on croit que c’est fini, cela recommence.

Et l’on pleure. Un chagrin qui vient de la jungle, comme la clameur surgissant des abysses, de ces ténèbres archaïques qui ont enfanté l’homme.

Kurtz et Achab occupent un siège élevé parmi les diables de cette terre. Parce qu’ils sont entêtés et que le céleste leur est inaudible. Parce que les autres ne sont pas entendus, car ils ne peuvent plus crier, les langues coupées par une tragédie qui les dépasse. Dans la ouate menaçante du brouillard de la jungle ou dans la lumière aveuglante de l’océan, là, fiers et tragiquement beaux, surgissent l’ivoire assassin de la jambe d’Achab et le crâne luisant de Kurtz.

Blancheur. Blancheur des paroles, poids des mots au cœur de la désolation, de notre désolation. L’équipage du Pequod, craintif et fasciné par le Graal satanique d’Achab : Moby Dick. Moby la blanche ; Moby la Terrifiante, dont on prononce le nom tout au long du récit. Mais que l’on ne voit pas.

Achab veut lui prendre son âme pour mieux retrouver la sienne, quitte à perdre celle des autres. La force du Verbe, d’un verbe trempé à l’encre des pires desseins de la vengeance.

Blancheur de l’océan aveuglant, sinistre et se reflétant dans l’œil de la baleine. Les marchands de rédemption peuvent aller se rhabiller.

« Non seulement la mer est l’ennemie de cet homme qui lui est étranger, mais encore elle est démoniaque envers ses propres enfants, plus fourbe que l’hôte persan qui assassine ses invités, n’épargnant pas ceux qu’elle a engendrés (…) point de miséricorde, elle ne connaît d’autre maître que sa propre puissance. Haletant et renâclant comme un destrier affolé qui a perdu son cavalier, le libre océan galope autour du globe. »

Et si Chateaubriand s’était trompé sur le « sentiment océanique » ? Chez Melville les vieillards ne s’étiolent pas, doucement, le soir,  à suivre des yeux, le beau  phénicoptère qui vole le long des ruines de Carthage, bercés du murmure  de la vague, entre-oubliant leur propre existence et chantant à voix basse une chanson de la mer, car ils vont mourir…

Ils ne seront qu’os blanchis.

Au diable il faut  l’incube. C’est Ismaël, conteur à la fois docte et goguenard, bougre et saint à la fois, récitant l’Evangile selon Achab. De digressions en digressions tendues, il repousse le mal, qui cependant arrive, en trois chapitres, en 20 pages ou plus. Net.

Il survit. Mais l’océan de terreur a jeté son sort. La terre est –elle aimable, verte et infiniment docile ?

Dans une quinte expiatoire, la terre, la jungle, c’est une désolation habitée selon Marlow. Marlow-Marlowe ? Marlow, docteur Faustus de Conrad ? Marlow(e) le ténébreux et l’intempérant ?

Imprudent, impudent, il se lance aux trousses de Kurtz, Kurtz et ses délires d’ivoire, Kurtz au cœur et au verbe tendus dans sa propre hallucination de puissance, enivré de paroles où suintent délire et quiète détermination. Car il a une Idée, celle de sa propre déchéance: déesse révérée et crainte par ces ombres de bronze armées de lances et de flèches, s’entre-dévorant par cruauté ou désœuvrement.

Vaincu par la blancheur de l’ivoire, Marlow le retrouve, rétréci, recroquevillé sur une civière de fortune, tendue vers le ciel par des séides qui n’y croient pas.

Dans la touffeur de la jungle, se joue une tragi-comédie administrative : sus à Kurtz, non parce qu’il a assassiné dans une fiévreuse folie tous ceux qui l’écartaient de son précieux butin, mais parce qu’il n’a pas payé son dû à la colonie. Le Diable gît dans les détails.

Maudit, excessif, Kurtz est vaincu par sa propre aventure, car c’est un artiste. Croyant réaliser l’œuvre parfaite, il ne trouve que le cœur des ténèbres, Achille terrassé par sa fureur.

Pour Marlow  ne reste plus que le mensonge, cette bande de nuages noirs qui ceignent l’esprit des hommes et leur font croire aux confins de l’infini.

La quête est-elle une œuvre d’art ? Il n’est de si beau jour qui n’amène sa nuit.

Horreur, horreur…

 

 

 

 

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25 août 2012 6 25 /08 /août /2012 10:24

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Le Maréchal vous invite à lire  Henri Vincenot, Le Pape des escargots, Folio.

 

Proust en Bourgogne

C’était au temps où l’A6 n’avait pas encore balafré les collines de l’Auxois, où les timides collégiales rosissaient  aux ardeurs de Phébus couchant. C’était au temps où les hommes savaient qu’ils respiraient les vapeurs druidiques d’une terre immémoriale. C’était au temps des exaltés aux imaginations fantastiques.

Vincenot daté ? La Vie du Rail ne fait plus recette à l’époque des TGV. Par ci, par là, quelques vestiges rouillés de voies étroites étalant une sinueuse lenteur au cœur de la resplendissante Bourgogne, dont les beautés parcourues par de nonchalants tortillards allumaient les prunelles assoupies de voyageurs tranquilles.

Le Pape des escargots, c’était avant.

La Gazette, vieux bouc puant et philosophe, entraine Gilbert, le génie hirsute, dans une Odyssée bourguignonne. L’un sculpte les âmes, véhément et péremptoire, tandis que l’autre, dans une spontanéité divine, enfante la beauté de vieilles pièces d’un bois patiné par les rigueurs de l’hiver bourguignon. Marie, l’Enfant Jésus, les saints, accompagnent Gilbert dans une fantasia baroque au cœur de la masure empoussiérée du Michel Ange bourguignon.

C’est à la grâce du monde qu’ils parcourent les vallons, les futaies, qu’ils remontent le cours changeant du Serein. L’un enseigne les vieilles sagesses. L’autre écoute mi- goguenard, mi- fasciné. Alésia n’est pas loin et Sequana veille. C’est hors du monde qu’ils parcourent les terres rouges du pays polies par un septembre accablant : « Le soleil était bas, pourpre comme une grume ». On rencontrerait Giono au détour d’un chemin…Chaque instant est sublime et ses volutes éphémères envoutent l’âme patiente de ceux qui le saisissent.  Parfois Combray n’est pas loin.

Adoubé aux eaux d’une fontaine retrouvée – et soit disant miraculeuse selon la Gazette – Gilbert jette sa gourme de paysan mal dégrossi. Levant le voile d’une chapelle endormie, il en ressuscite les beautés outragées : le voilà maintenant serviteur de la cause céleste.

 Mais las ! Convaincu d’être un artiste  par un escarpe poudré et jargonnant, il est attiré par les sirènes parisiennes au grand dam de la Gazette. Dans un galetas infâme, Gilbert déchante car la lumière l’a quitté : « par le vitrage qui éclairait le local, il voyait un mur droit, de plâtre pourri, et une alignée de fenêtres qui montait, montait. Il avait essayé de voir le ciel et il n’y était parvenu qu’en se penchant à mi-corps par la tabatière et en relevant la tête jusqu’à s’en dénuquer. »

Il s’y perd : il trouve la femme moderne, libérée qui l’initie aux mystères utérins. Pourtant le vieux l’avait mis en garde ! La femme c’est le diable !

« Tu les entends ? Ecoute les chèvres lubriques ! Elles voudraient bien t’arracher à ton éternité ! C’est la mission que leur a confiée : racoler, racoler. Faire de toi le bouc, l’étalon qui alimentera la horde où Satan recrute sans merci ! »

Le vieux le savait, mais les « peigne-culs » n’auront pas son Gilbert. Ni le charabia ampoulé et abscons des élites artistiques de la capitale –« les virtuels », « impacts », « structuration » et autres « musique de l’informel » -, ni les délices empoisonnées de quelque courtisane germanopratine n’auront raison de lui. Utilisant  la verve brute et sans concession de ses personnages, l’imposture et la mystification sont démasqués pour être finalement cloués au pilori par Vincenot. Pour bien parler de son temps, il faut le passer à la moulinette.

« C’était le délire verbal devant le délire des volumes pervertis à des formes adultérées. Il en arrivait à se demander pourquoi l’on déshabillait des hommes et des femmes, leur faisant monter leur cul à tout le monde, pour en arriver à enfanter ces horreurs incompréhensibles devant lesquelles garçons et filles, surtout les filles, feignaient de suffoquer de plaisir et s’efforçaient de tomber en transe. »

L’éros de la création est perverti par les incubes et succubes de la démonstration.

De retour en sa masure, Gilbert sculpte et sculpte encore, enivrant son esprit et tout son corps. Dans sa spontanéité de faune, Gilbert nous rappelle que l’on ne crée pas avec sa langue, mais avec chaque tendon, chaque muscle, chaque nerf, tous unis en une sarabande mystique, alors que le visage brulant et emperlé de sueur du créateur se moire d’or au soleil couchant.

Certes, Vincenot n’est pas Proust, mais pourquoi honnir le « régionalisme » en littérature ? La Normandie n’est –elle pas le point de confluence sensible chez Proust ? Dans sa prose matoise, le Bourguignon ne fait-il pas le même métier que Parisien ? Traquer sans cesse l’éphémère, mettre en abyme ce qui nous échappe tel Patinir (peintre du début du 16e siècle), magnifiant ces détails qui narguent de prime abord le voyeur, mais révèlent avec un peu d’effort une profondeur quasi cosmogonique.

 Citons Genevoix – encore un « régionaliste » -  qui, après l’épreuve des tranchées, tentant de solder un trop plein de souffrance en évoquant ses camarades disparus, n’accabla pas le lecteur d’un docte discours moralisateur, mais s’arrêta sur ces petits détails qui font notre existence :

Vous n’êtes guère plus d’une centaine, et votre foule m’apparait effrayante, trop lourde, trop serrée pour moi seul. Combien de vos gestes passés aurais-je perdus, chaque demain, et de vos paroles vivantes, et de tout ce qui était vous ? Il ne me reste plus que moi, et l’image de vous que vous m’avez donnée.

 Presque rien : trois sourires sur une toute petite photo, un vivant entre deux morts, la main posée sur leur épaule. Ils clignent des yeux, tous les trois, à cause du soleil printanier. Mais du soleil, sur la petite photo grise, que reste-t-il ?

Recherchons chaque jour le soleil et le printemps, c’est une louable cause.

Henri Vincenot, Le Pape des escargots, Folio

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29 mai 2012 2 29 /05 /mai /2012 16:09

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 vous savez de quelle nature il pense? De la nature doumdoum, du fragment au fractal, ses injonctions de lecture vale de l'or. Voilà la 5ème, servie d'oignons que j'aime: à lire Simon Leys,  Le Studio de L'inutilité, Flammarion 2012. Et maintenant, allons y et feu à volonté. 



 *



Fût-il utile

 

 

Sans jouer le vieux raseur, en ces temps d’allégresse artistique, l’utile rassure tandis que l’inutile effraie.

La littérature contemporaine, prenons la française, additionne des nombrils calibrés qui se contemplent, se rassurent, et surtout, font vendre et se vendent. L’utile, c’est ce qui doit arriver, c’est ce que l’on attend au détour d’un roman, ou de l’énième monstruosité d’un plasticien qui n’aurait pas dû se dérober à sa psychanalyse, et qui aurait mieux fait de laisser tomber  son seau d’excréments pour  se consacrer utilement à la lecture de Lewis Carroll.

Dans le Studio de  l’inutilité, Simon Leys, grand lecteur et sinologue à ses heures – là je suis injuste car c’est un grand sinologue – précise que l’inutile dans la littérature classique chinoise c’est l’inopportun.

Citant un passage du classique des mutations, texte le plus ancien, le plus sacré – et le plus obscur – de tous les classiques chinois, Leys nous éclaire sur cette inutilité : « le dragon du printemps est inutile » ; il faut entendre par là que dans leur jeunesse et durant la période d’apprentissage, les talents des hommes vraiment supérieurs doivent rester cachés. Avis donc à tous nos dragons printaniers : l’imposture est-elle un défaut de jeunesse ?

Quel est diable le rapport entre la belgitude de Michaud, l’intimité d’Orwell, le génie méconnu de Chesterton (Son Nommé jeudi serait un DES romans du XXe siècle), le pilon idéologique du post maoïsme, une réflexion sur son avatar cambodgien expert en génocide express, la circumnavigation de Magellan (qui entre nous ne l’a pas achevée…), le roman le moins maritime de Conrad (L’Agent secret) et j’en passe ? C’est Simon Leys.

Monsieur Leys n’en pas à son coup d’essai en matière de Bric-à-Brac de génie. Déjà il avait sévi brillamment dans Le bonheur des petits poissons ou dans Les idées des autres  autant de florilèges et compilations à destinations des lecteurs oisifs – inutiles - que nous sommes.

« La plupart des gens sont d’autres gens » disait Oscar Wilde. Nous n’avons aucune opinion sinon celle des autres. On voit venir l’injonction très con-temporaine : « débarrassons-nous de toute culture pour nous réaliser ! » Construisons notre propre âme…sur du vent.

Les cuistres n’ont rien compris. Comme les grands artistes, Leys ne nous donne pas la Vérité, mais la nôtre. Débarrassons-nous du culturel pour retrouver l’art.

Ecoutons donc ce divin lecteur qui nous enjoint de lire contre nous-mêmes, c'est-à-dire contre notre propre facilité. Il n’y a rien de plus désespérant et de trivial que soi-même.

Lisons Michaud contre lui-même et faisons l’éloge de la maladresse : celle du grand écrivain terrorisé et bloqué par ses humeurs provinciales : voulant réécrire une œuvre trop localisée, et par un rapetissasse compulsif, Michaud voulait renier sa propre belgitude. La belgitude : garantie contre le crétinisme littéraire ?

Le Prince de Ligne : « je n’ai aucun goût pour les trônes ni pour les dominations » écrit-il à Jean-Jacques. Depuis 1789, toute noblesse est suspecte, pourtant ne peut-on qu’admirer un homme qui a dit des Mémoires de Casanova : « Un tiers m’a fait rire, un tiers m’a fait bander, un tiers m’a fait réfléchir » ? Et de mourir dignement, et vieux, dans un absolu dénuement. Avis aux critiques patentés - qui en passant sont capables d’attribuer aux autres leurs pensées boiteuses - : « voilà un magnifique exercice de concision ».

Et Orwell ? Intime, ce géant n’était qu’un homme aux mœurs simples. Jamais de mauvaise graisse. Privé d’afféteries et  de cuistreries mondaines, l’homme est bon. Peut-on croire que le pourfendeur du totalitarisme se réjouissait à l’avance d’une bonne partie de pêche ? L’esprit débarrassé de la glaise idéologique, le génie peut s’envoler.

Monsieur Leys ne laisse pas de nous surprendre : les grands auteurs ne s’apprécient que par les recoins. Pour finir, citons cette petite merveille de Chesterton qu’il nous offre généreusement :

Soir

Voici que s’achève le jour

Durant lequel j’ai eu des yeux, des oreilles, des mains

Et tout le vaste monde autour de moi.

Et demain commencera un autre jour.

Mais qu’ai-je donc fait pour en mériter un second ?

Lisons Leys, et nous mériterons ce second jour.

 

Simon Leys, Le Studio de L'inutilité, Flammarion 2012

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5 avril 2012 4 05 /04 /avril /2012 08:50

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Rien à dire, rien à penser, les mortes saisons de l’âme accablent, et ces jours où l’on se cogne aux murs, l’imagination part en maraude.

Mélanges

Miller ou la philosophie du galetas

C’est en songeant au Colosse de Maroussi que j’ai entamé L’Œil qui voyage. Miller et sa grande carcasse créatrice réduite au pornographe des Tropiques. Miller entraîné par Durell dans une Grèce improbable, à rebours des hexamètres de l’Iliade célébrant le sang des héros mêlé de poussière, le sang de l’épopée offert au soleil accablant. En automne, tout y est humide et fangeux. Les draps et les nuages n’y sont plus blancs. Linceuls gris, ils veillent la patrie des dieux dans leur sommeil hyémal.

Les dieux sont morts…Miller est vivant. La fin est toujours bonne pour les poètes : Fiat lux…

« J’avais marché les yeux bandés, à pas chancelants, hésitants ; j’étais orgueilleux,  arrogant, satisfait de mener la vie fausse et restreinte du citadin ; la lumière de la Grèce m’a ouvert les yeux, a pénétré mes pores, a fait se dilater mon être tout entier. J’ai retrouvé ma patrie […] Je refuse catégoriquement toute qualité, dans l’avenir, qui serait inférieure à ce titre de citoyen du monde que je me suis décerné en silence, debout dans le tombeau d’Agamemnon. »

La poésie n’est qu’une éventualité. En quelques lignes elle est parfois une certitude.

Mais d’où vient cette veine créatrice ?

De l’art du contrepied, de l’embuscade littéraire parmi les entrelacs de la pensée. Le corps en mouvement, les voyages incessants ont fait Miller ; Miller c’est toujours un œil en action, un œil qui voyage, un œil inquisiteur, scrutant les dessous du monde…et celui des femmes…

Parfois bouger dans l’immobilité. Le contemplatif est un suspect dans la société moderne.

De Dieppe à Newhaven. Malentendu à Clichy : Miller se brouille avec sa femme. Des envies anglophones le prennent. Il file pour Londres, sans le sou. Miller est trop honnête. Il rêve de Dickens. Mais las, Miller à l’air d’un mendiant. A la douane on l’interroge, on le dissèque : de quoi vivez-vous ? Où allez-vous ? Le sot : il parle du Tropique. C’en est trop en ces temps de sérieux. On l’expulse. Dans le train qui le ramène à Paris,  la petite brume qui ruisselle sur la Picardie « donnait aux toits de chaume une plaisante couleur sombre… de temps à autre un morceau d’océan surgissait à la vue pour être aussitôt englouti par d’ondulantes dunes de sable…une campagne silencieuse où chacun s’occupe de ses affaires. » Dépité ? Non. « Soudain je me sentis si heureux que j’eus envie de me lever et de chanter ».

Quelle singulière affaire que le voyage.

Où l’inconfort règne, Miller crée. En Dérive aux Everglades, Miller n’a qu’un souci : la gamelle et le galetas. En ces temps de crise il ne faut pas être exigeant. On est loin de Balbec et ses jeunes estivantes diaphanes, loin des Venises de Morand où, sous le vernis craquelé des belles demeures, s’exhalent les vapeurs méphitiques d’un monde finissant.

Pourtant il est content de son sort, Henri. Content parce que dans cette lente dérive vers une Floride inaccessible, il  rencontre des êtres d’infortune qui philosophent en dégustant le sempiternel hot-dog, parfois offert par un philanthrope de passage, voyageur de commerce sensible aux charmes de la pauvreté, so fashion en ces temps de crise. Les riches sont absents, claquemurés ; ne restent que les songeurs.

Au cœur de la chambre moisie, Miller est un abbé : il règne sur un peuple de cafards, ses moinillons.

« Les matelas étaient en paille, les draps avaient le teint brouillé et ils étaient effrontément rapiécés »

Pourtant, face aux murs tristes, il s’étonne, car de la fange nait une verve créatrice. Dans une Amérique qui ne sait plus trop où elle est, il s’étonne du geste grandiloquent d’un nègre qui se décoiffe pour le saluer. Je m’étonne, je suis vivant. Je peux créer.

 C’est singulier, cette internationale de la littérature. Miller n’atteindra pas les bayous. Quelques décennies plus tard, c’est James Lee Burke qui les magnifiera dans La Brume Electrique. Burke et ses accents Faulknériens nous chante la longue plainte du vieux Sud, magnifique, terrible, mais tellement envoûtant.

« Le ciel avait viré au noir au crépuscule, et l’orage né sur le Golfe avait baratté l’intérieur des terres […] L’air était frais maintenant, et s’y mêlait une pluie fine chargée des odeurs lourdes et riches d’humus humide, jasmins de nuit, roses et jeunes pousses de bambou. »

La littérature américaine est à l’image des chemins de fer : serpentant d’est en ouest, du nord au sud, elle avance, vorace, se nourrissant de vieilles haines ou d’héroïsmes sans cesse célébrés. Pris dans l’entrelacs des bayous, l’intrigue humaine n’a pas d’échappatoires.

Outre Atlantique, nulle peur des monstres. Le Pont de Brooklyn transfiguré par Miller : Charon enjambant le Styx ; ce pont, symbole de toutes les humanités pour lesquelles le Nouveau Monde était promesses de lendemain, devient le passeur d’âmes perdues, contemplant dans les eaux noires de l’East River, ces visages de fous, d’assassins, de poètes et d’étrangleurs : nous.

Il nous faut y plonger.

Henri Miller, L’Œil qui voyage, Gallimard, Coll Folio , 2005

James Lee Burke, Dans la Brume électrique, Payot, Coll Rivages noirs, 2010

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7 mars 2012 3 07 /03 /mars /2012 08:50

Voilà, ils sont désormais deux à rentrer dans le Carneto. V, le rouge, alias il vinch', et désormais le Maréchal et sa Chronique Doum Doum. Le principe du Carnetto est simple: être un lecteur acharné et régulièrement donner en version courte ses impressions et surtout fragments de lecture. Vous voulez rejoindre le Carnetto, contactez nous didier@dezopilant.fr

  

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A lire:   Jacques Chessex, Le Dernier Crâne de M. de Sade, Livre de Poche, 2010

 

 

 

L’outrance c’est la vraie pudeur.

La pudeur, c’est le fiel parfumé à la naphtaline des chaisières.

Sade avait choisi l’outrance, ce qui fit de lui un éternel suspect. Parlez ! Dame, un type qui prend son plaisir avec d’infâmes godemichés taillés par lui, si, si, je vous le dis. Sade se fait mal, il fait mal aux autres et….certains y prennent du plaisir. Ah, si M. Freud avait été dans les parages !

Il faut brûler Sade!

Il nous reste son crâne.

Il y a des morts que l’on ne veut croire ; Chessex  est mort sur scène, comme un bon acteur. A l’invective, il avait répondu par une attaque : une vraie. Fauché, net. Un comble pour lui : être rattrapé par ses ogres et ses vampires, par ces réprouvés dont on doit taire le nom et qu’il a tant célébrés.

 Je suis gêné de commencer par la mort de l’auteur ; alors, reste le texte.

Il nous a laissés seuls avec Sade: c’est dérangeant de demeurer face au monstre pourrissant à Charenton en ce printemps 1814, et dont on ne sait que faire. Que reste –t-il du blasphémateur, de l’incestueux, du sodomite ? Un tas d’ulcères, de chairs corrompues. Pourtant, podagre et diminué, Sade bouillonne toujours, non pour son âme, mais pour mieux salir et prouver une ultime fois qu’en ce monde il n’y a ni haut ni bas, seul un va-et-vient concupiscent entre perdition et salut. Dante passé à la moulinette. Pas de rédemption possible, puisque le Ciel n’existe pas.

 Accès de fureur avant l’ultime. Bon administrateur du vice, il tient à régler un ultime dossier : elle s’appelle Madeleine, douze ou treize ans ; et elle est friande.

 L’horrible exulte : « Coquine ! Cochonne ! ». Il est incandescent.

« Depuis un moment, une lueur s’est allumée autour du monstre. Cette enveloppe, ou aura, ou buée de souffre, d’infernale braise, la prisonnière attachée ne la voit pas. Mais l’imprudent qui forcerait la porte de M. de Sade à cet instant apercevrait un gros corps pareil à une torche, un luminaire enflammé et écumeux, penché sur une demi-morte dans l’ombre de la chambre. ».

Chessex revisite Bosch : le Marquis est un damné de première classe, qui se tortille de plaisir, tisonné par des diables fourchus et boiteux dans un ultime carrousel.

Mais si l'Enfer n’existe pas ?

Sade meurt, enfin, en décembre. Ramon, jeune médecin, lui a promis qu’on ne le dissèquerait pas. Pourtant il faut l’autopsie règlementaire : les viscères, le cœur, le cerveau surtout. Avec Sade, la matière grise porte bien son nom : toujours entre éclaircie et obscurité.

Promesse tenue.  Ou presque : on ne dissèque pas, mais il y a une croix. Discrètement, l’incube est mené  en sa dernière demeure.

Août 1818, le grand cimetière de Charenton est bouleversé. La tombe de Sade est ouverte. De la fosse entrouverte jaillit « une nuée soufrée, ronde, lumineuse, qui se tient au-dessus du trou, monte, s’élève encore… Monsieur le Marquis ! s’exclame Ramon. »

L’humeur de Chessex est communicative ; Il vous colle les foies. Ça devient sérieux. Puis il y a ce crâne, volontaire, aux larges orbites profondes, pénétrantes, comme si les prunelles bleues de Donatien y étaient encore. C’est un beau spécimen, ivoirin et admirablement proportionné. On le garde. Le reste est jeté.

Ramon examine, admire. Confiant, il confie la relique à un certain Spurzheim, un phrénologue.

 C’est Hoffman  qui entre dans le récit : le crâne se perd, ressurgit. Il contemple, dissèque, docte et rieur, tel un Chat Murr, une humanité en proie aux affres de l’existence et de l’envie, aux vaines chimères de la vanité ou de l’espérance.

 Un certain Lapoujade  broie une partie du maxillaire pour en tirer une mixture aphrodisiaque qu’il incorpore à un chocolat. Le résultat dépasse ses espérances : il meurt fou et emprisonné après avoir malmené, per anum, sa bienaimée. Là, un brocanteur manipule le crâne : une intense brûlure lui est infligée : le bras tombe ! Et le crâne court toujours, comme un chat  aux sept vies. Partout il corrompt, son acide dilue les âmes, même les plus belles. Si tant est qu’il en ait eu un jour…

Attention, M. de Sade vous regarde ! Je ne fais plus mon crâne. La mort c’est sérieux.

Laissez-moi, Môssieur Sade!

Je regarde dehors : il pleut. Le crépitement me rassure.

Entre les tilleuls

De minuscules diamants jouent avec les hirondelles,

Et le gris constellé

Etale sa splendeur

Au rythme du grondement lointain.

Chessex suspect, il faut brûler Chessex !

Et Sade brûle toujours.

Pour notre plus grand plaisir.

 

A lire:   Jacques Chessex, Le Dernier Crâne de M. de Sade, Livre de Poche, 2010

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14 février 2012 2 14 /02 /février /2012 19:31

 

 

Voilà, ils sont désormais deux à rentrer dans le Carneto. V, le rouge, alias il vinch', et désormais le Maréchal et sa Chronique Doum Doum. Le principe du Carnetto est simple: être un lecteur acharné et régulièrement donner en version courte ses impressions et surtout fragments de lecture. Vous voulez rejoindre le Carnetto, contactez nous didier@dezopilant.fr. Pour du Maréchal en voilà l'initiale: la crhonique Doum doum

 

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Salter ou l’art de l’ellipse

« Je n’étais pas allé à Cuba. Nous y allâmes – les palmiers, sa chambre nue avec les volets, les rues pâles à l’Aube. »

Quand Proust se couche, Salter voit déjà l’aube. Pourtant il s’agit de la même nuit : celle de la vie.

Mig 15 contre F 86, gros poissons-chats qui se cherchent dans le ciel d’une Corée exsangue – presque atomisée ? Le Mig nargue l’autre, avec ses grosses lèvres fardées de rouge.

Sous la verrière du cockpit, Salter rêve. L’En-bas défile. L’armée fut une maîtresse éphémère. Il la quitte. Avec regrets ? On ne sait dire.

Paris, années 50. Ça sent les aisselles et la crasse. Les corps ne sont pas encore remis des 6 années de souillures, de compromissions, d’héroïsmes incertains : La Comédie n’était pas divine, mais terriblement humaine - Noirceur d’enfer et de nuit sans planètes.  La France d’après-guerre c’est la rage de Sarthe et la déchéance de Céline. Les filles faciles – pas tant que cela. Fausse pudeur. Henri Miller n’est pas loin. Salter flâne, Salter regarde : tout s’éclaire. Amours intenses et fugaces traversent  comme l’éclair sa vie.

Italie : torpeur. Salter dans le Jardin des Fizzi Contini. Un vrai caméléon ce type. L’Italie d’en haut découvre le stupre et le sexe contemporain. Les femmes sont belles et audacieuses…les corps se mêlent mais les âmes s’effleurent. Là Jupien et Charlus s’appellent Llena, Laura. Parfois elles se vendent à un Prince oriental de passage. L’un d’eux meurt, grotesque, dans un restaurant. Elle sort, autorisée, par une porte dérobée. On avait quand même les idées larges en ce temps-là.

Aux hommes il réserve son amitié. Ecrivains, scénaristes, acteurs : Redford, Fellini, Huston…Beaucoup échouent, vivotent. Ceux-là, ils lui plaisent ;  la lumière noire de l’échec est souvent l’élixir de la création.

Rome, New-York, Paris. Les années 50, les sixties….L’âge et la décrépitude approchent. Les amis s’effacent. Au fil de sa prose, Salter rebondit d’une décennie à une autre…De loin. Il caresse, toujours de haut, le fil des jours. Sans jamais atterrir. La vie est un film.

 « Il reste néanmoins, dans le cas de ces années de cinéma, une sorte de soyeux pollen qui s’accroche au bout des doigts et refait songer à tout ce qui fut jadis agréable – trop agréable peut être -, les lumières qui dansent sur l’eau noire comme sur les vieilles estampes, le son des voix, des rires, de la musique, tout ceci étouffé, attirant, lointain. »

Fuir « l’eau noire de notre mauvaise conscience[1] » pour mieux se retrouver.

 

James Salter, Une Vie à brûler

 



[1] Jean Cayrol

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27 janvier 2012 5 27 /01 /janvier /2012 14:12

Voilà, ils sont désormais deux à rentrer dans le Carneto. V, le rouge, alias il vinch', et désormais le Maréchal et sa Chronique Doum Doum. Le principe du Carnetto est simple: être un lecteur acharné et régulièrement donner en version courte ses impressions et surtout fragments de lecture. Vous voulez rejoindre le Carnetto, contactez nous didier@dezopilant.fr. Pour du Maréchal en voilà l'initiale: la crhonique Doum doum

 

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« Faire court, c’est la politesse des médiocres, en matière d’écriture j’entends (déjà 88 caractères pour cela…mince 45 de plus…). Concision, éjection, report. Cras, Cras. On en tirerait quelques vers.

La poésie est une éventualité, sauf chez Baudelaire ; chez les uns c’est un souffle, pour lui c’est une tempête, une folie. La Folie Baudelaire, dixit Sainte-Beuve, vieux talentueux qui voulait tuer le talent des autres, c’est ce lien invisible qui retient dans ses rets Ingres, Delacroix, Manet, Courbet, Flaubert, Rimbaud, Lautréamont, Degas, Mallarmé, Valéry… et Sainte-Beuve lui-même. C’est la Comédie baudelairienne qui se joue de tous.

Bon, 670 caractères, ça suffit ? Lisez plutôt Roberto Calasso. Je n’ai pas tout compris, je vais le relire, parce que c’est bon. »

La Folie Baudelaire, Roberto Calasso, Gallimard Essais, 2011

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12 septembre 2010 7 12 /09 /septembre /2010 21:15

V
oilà, c'est le Vincent de L'Ougarit qui fait cette bonne proposition, de courtes citations de lecture... comme ça, en-passant. N'hésitez pas à laisser vos réactions. 
L'intégrale de ce carnet de lecture dans la page du Carnet d'Il Vinch.

 

 

L'altruisme n'exige pas la déprise, l'anéantissement, la dépossession de soi, le désintéressement sacrificiel qui s'abandonne à une altérité radicale -Dieu, la loi morale ou autrui). L'abandon, la déprise de soi, est au contraire l'un des chemins qui mènent le plus sûrement l'individu à la soumission, à l'obéissance aveugle et à la servilité. Seul celui qui s'estime et s'assume pleinement comme un soi autonome peut résister aux ordres et à l'autorité établie, prendre sur lui le poids de la douleur et de la détresse d'autrui et, lorsque les circonstances l'exigent, assumer les périls parfois mortels que ses engagements les plus intimement impérieux lui font courir.

 

Michel Terestchenko, Un si fragile vernis d'humanité. Banalité du mal, banalité du bien, La découverte, 2005.

 

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24 août 2010 2 24 /08 /août /2010 10:01

V!

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Je lis et suis en sueur. J'ai peur. De la densité d'une ombre menaçante.

 

Serait-ce là vieillesse et son opprobre. L'un passe. L'autre dans un froissement. Envolée. Balbutiements. Pour finir, démons : des merveilles. Un voyage qui serait une promesse : l'impasse troublée.

L'autre est un mont. Sur-réaliste. Fantastique. Un voyage. Un récit. Un tissage déchiré, un métier abandonné à lui-même. Un sentier obstrué. Pas obstinés suspendus : Empreintes. Des bons sentiments, une mauvaise haleine. La sueur... la peur...

 

 

V!

 

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